Barrelle : toujours givré, mais plus barré
La boutique créée par Alexandre Albanese et Barbara Chapotier dans la banlieue de Toulouse a dérivé du concept de barres chocolatées glacées qui avait inspiré son nom et élargi son offre de chocolats et de créations glacées.
Blagnac, dans la banlieue de Toulouse, Alexandre Albanese et Barbara Chapotier ont créé Barrelle, une boutique de chocolats et de créations glacées. Depuis 2017, quelque 200 parfums de glace ont été développés, vendus en boules et en pots de 500 ml. Mais on ne va pas se mentir : le rafraîchissant sorbet pomme-roquette intrigue, amuse et plaît, mais n’est pas le parfum le plus demandé. Chez Barrelle, comme chez (presque) tous les glaciers de France, la boule de glace la plus vendue reste la vanille.
Ce matin de juin, Alexandre Albanese gratte justement des gousses de vanille de Madagascar pour en faire infuser les grains dans le lait cru livré le matin. Après une cuisson à 85 °C, l’appareil va refroidir et maturer une nuit à 4 °C pour laisser les arômes se diffuser et les stabilisateurs enrober les molécules d’eau. « Nous avons banni les monoglycérides d’acides gras d’origine animale et fait un gros travail de recherche et développement pour trouver un substitut végétal : pectine, amidon de riz, algues…, précise le glacier. Après la nuit, le mix sera versé dans la turbine et ressortira à - 4/- 6 °C. On ne choisit pas le pourcentage d’air incorporé : la glace foisonne naturellement, plus ou moins selon la teneur en fibres du produit. »
Entre les incontournables vanille et chocolat, la glace fleur d’oranger-pistache s’est hissée sur le podium des ventes après avoir été primée au Salon du chocolat 2022. « Nous avions réalisé que la crème glacée pistache perdait en intensité en quelques semaines, décrit Alexandre. Alors nous avons développé une crème glacée à la fleur d’oranger, avec des marbrures à la pistache qui viennent napper le palais. »
Avec une créativité d’artiste et une rigueur de scientifique, le titulaire d’un CAP de pâtissier, chocolatier et glacier s’amuse dans son travail. « Pour changer une recette de glace, il ne suffit pas de remplacer un ingrédient par un autre : il y a un ensemble de paramètres à rééquilibrer, témoigne-t-il. Il y a donc un aspect technologique qui me plaît énormément. » L’autre plaisir, érigé en principe, est de travailler de bons produits : lait de la ferme et fruits frais du marché (sauf les produits exotiques, transformés en purée 100 % fruits), absence de colorants et d’arômes.
Avec la chocolaterie comme second métier, il n’y a jamais de temps mort. Après avoir produit des glaces en flux tendu en été (400 l de glace/semaine), l’équipe s’attaque aux bûches et aux chocolats de Noël, puis vient L’Épiphanie et ses brioches, les chocolats de Saint-Valentin, Pâques, la fête des Mères et des Pères… Et l’été revient déjà.
« La chocolaterie et la glace sont deux métiers complémentaires, ce qui permet de lisser le travail et les recettes sur l’année tout en diversifiant les tâches », souligne Barbara. Issue d’une école de commerce et titulaire d’un master en entrepreneuriat, elle s’est attachée depuis quatre ans à faire rayonner la marque Barrelle sur la région toulousaine et à développer le chiffre d’affaires.
Une clientèle locale familiale
Aujourd’hui, 55 % de l’activité est réalisée en boutique, dont 20 % par un système de commandes et de prépaiement en ligne. Le reste se partage entre une douzaine de revendeurs sur la métropole toulousaine (pots de glace et pâtisseries glacées) et des comités d’entreprise (boîtes de chocolats). Le développement est fait très en amont. Ce début juin, les catalogues de Noël ont été envoyés aux comités d’entreprise et la collection de Pâques 2024 est déjà prête pour un shooting photo.
Barrelle a dérivé du concept de base qui avait inspiré son nom : des barres chocolatées glacées constituant un produit à l’identité marquée et facile à emporter. « Un avantage de travailler la glace est qu’on ne jette rien : nous voulions éviter le gaspillage qu’il y a en pâtisserie traditionnelle, ajoute Barbara. Ce métier permet aussi des horaires de travail plus classiques. »
Face à une clientèle locale familiale et « plutôt traditionnelle », le monoproduit n’a pas décollé autant que prévu. L’offre s’est donc élargie avec des valeurs sûres de type vacherin et omelette norvégienne, et des créations plus originales. L’une des stars de ce début d’été est l’entremets glacé chocolat au lait-passion-cacahuète, qui associe de la glace, du crémeux, du biscuit croustillant et des palets fondants, pour un jeu de textures et de goûts. Tout ce qui est incorporé dans le gâteau est fait maison : biscuits, palets de chocolat, arachides pralinées…
Un suivi attentif du coût des matières premières
Les fluctuations de prix des matières premières sont amorties, dans la mesure où 55 % de la recette d’une crème glacée est constituée de lait cru, acheté en direct à la ferme. Même si son prix est supérieur à celui du marché, il est plus stable. Mais si le coût de certains ingrédients explose, l’équipe s’autorise à réajuster la gamme, voire la recette. Ainsi, quand celui de la framboise est devenu « indécent », le sorbet plein fruit a été remplacé par une crème glacée au yaourt marbrée à la purée de framboise.
Les deux associés surveillent en effet leur coût de production et leur chiffre d’affaires comme le lait sur le feu. « Ce suivi des coûts en temps réel prend du temps mais garantit le résultat économique, insiste Alexandre. On ne peut pas se contenter de travailler à l’aveugle et regarder au bout de douze mois si c’était une bonne année ou non. » Les prix ont été augmentés une fois en quatre ans, et devront sûrement l’être à nouveau, mais Barrelle tient à rester accessible aux familles.